Le nouveau cadre de référence pour l’implantation d’éoliennes en Région wallonne (ci-après le « Cadre »), élaboré par la circulaire du Gouvernement wallon le 25 janvier 2024, vient mettre à jour et remplacer dix ans plus tard le cadre de référence de 2013. Il établit de nouvelles normes à respecter pour l’implantation d’éoliennes de plus de 0,5 MW en Wallonie [1].
Le Cadre intègre les évolutions légales européennes[2] et encourage le développement de la filière éolienne afin notamment de répondre aux défis de transition énergétique et d‘atteindre à terme la neutralité climatique ainsi que l’indépendance énergétique de l’Union européenne. A ce titre, le développement des énergies renouvelables est considéré comme un intérêt public majeur. L’objectif fixé pour 2030, en Wallonie, serait de parvenir à produire 6.200 GWh par an d’électricité éolienne.
Le Cadre est organisé en cinq parties : (i) les dispositions générales, (ii) la participation des communes et des citoyens aux projets éoliens, (iii) les principes d’implantation, (iv) la consultation d’instances ainsi que (v) les dossiers de permis et les incidences environnementales.
Les objectifs principaux de ce nouvel instrument sont notamment : la protection du cadre de vie des riverains, l’exploitation optimale du gisement venteux, l’évaluation renforcée des impacts sur le paysage et l’environnement, l’encouragement du repowering[3], la participation citoyenne et communale, la collaboration entre promoteurs de projets concurrents incompatibles.
En ce qui concerne son application, le nouveau Cadre est entré en vigueur le 25 avril 2024 et s’applique (i) aux demandes de permis introduits après cette date et (ii) aux demandes de permis qui sont annulées par le Conseil d’Etat à partir du 26 avril 2024 et qui sont portées ensuite devant le Gouvernement avec des plans modifiés.
Pour rappel, le Cadre a une valeur indicative, ce qui signifie que l’autorité compétente pour délivrer un permis est autorisée à s’en écarter mais moyennant une motivation adéquate. Cela étant, ce Cadre reste un outil important pour le développement des projets éoliens en Wallonie puisqu’il « encadre » leurs implantations et fixe les règles principales applicables à cet effet.
Sur base de la doctrine existante, le présent article aura pour finalité de mettre en avant, d’une part, les principales modifications apportées par rapport au régime antérieur (Cadre de 2013) et, d’autre part, les nouveautés qui ont été instaurées[4].
Modifications des règles préexistantes
En ce qui concerne le nombre d’éoliennes, l’article 3.1 du Cadre prévoit qu’un parc éolien est un projet prévoyant l’implantation d’au moins quatre éoliennes. Auparavant, ce nombre était fixé à cinq[5].
L’article 3.2, § 2 du Cadre prévoit les distances minimales à prendre en compte pour implanter des éoliennes et dispose que :
« En toute zone, le mat des éoliennes est situé à une distance minimale de :
1° 500 mètres par rapport à la zone d’habitat, la zone d’habitat à caractère rural, la zone d’activité communale concertée affectée à l’habitat et la zone d’habitat vert au plan de secteur, auxquels est ajouté la moitié de la hauteur de l’éolienne ;
2° 400 mètres par rapport à toute habitation, à l’exception des logements d’exploitants situés en zone d’activité économique. »
Sous l’ancien cadre de 2013, seule la zone d’habitat était visée dans les recommandations de distances minimales. On constate donc que, dorénavant, sont également comprises dans ce calcul les zones d’habitat à caractère rural, les zones d’activité communale concertée affectée à l’habitat et les zones d’habitat vert.
Par ailleurs, les distances changent également car désormais une éolienne devrait s’implanter à minimum 500 mètres d’une desdites zone, augmenté de la moitié de la hauteur de l’éolienne. La distance minimale par rapport à la zone d’habitat sous l’ancien cadre s’élevait à minimum quatre fois la hauteur totale des éoliennes (soit environ 600 mètres, dépendamment du type d’éolienne). Cette nouvelle distance a donc pour effet de diminuer les distances minimales recommandées par rapport à celles précédentes, notamment afin de faciliter le repowering des parcs éoliens existants en utilisant des modèles de plus grande hauteur[6].
En outre, concernant les modifications apportées, la méthode de calcul du périmètre d’étude paysager a été revue de telle sorte que ledit périmètre soit réduit (calcul : « R = (65 + E) x h »), conformément à l’article 5.1.2, § 1er.
Aussi, le nouveau Cadre prévoit des règles plus strictes si un projet se situe à proximité d’un point de vue remarquable ou d’un bien classé au patrimoine. Dans cette hypothèse, il convient de réaliser des photomontages depuis ces points de vue, en vertu de l’article 5.1.2, § 2 du Cadre.
Les nouveautés
L’une des nouveautés imposées par le nouveau Cadre est la prise en compte, dans l’analyse des incidences sur l’environnement, des projets voisins autorisés ou ayant passés le stade de la réunion d’information.
Une autre nouveauté, dont la consécration est importante, est la participation des citoyens et des pouvoirs locaux aux projets éoliens. L’idée est d’intégrer le public au processus d’implantation afin de favoriser l’acceptation sociale. Ce principe est prévu à l’article 2 du Cadre qui précise que :
« §1. Dans l’attente d’un cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens, les développeurs éoliens sont encouragés à permettre la participation citoyenne et communale.
La demande de permis unique portant sur une ou plusieurs éoliennes contient :
1° un rapport relatif à l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à
destination des citoyens. Cet appel est organisé au plus tard lors de la réunion d’information préalable ;
2° un rapport relatif l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à destination des pouvoirs locaux. Ce rapport est clôturé et présenté lors de la réunion d’information préalable ;
3° les offres de participation émises à destination des pouvoirs locaux et des citoyens, à concurrence de 24,99% pour chacun des deux groupes.
- 2. Les offres de participation à destination des citoyens tendent vers le respect d’un double principe de proximité et de contrôle : être émises en priorité à destination des riverains du projet éolien et leur conférer de préférence un contrôle effectif. Il faut entendre par riverains du projet, les citoyens habitants de la ou des communes dans lesquelles le projet s’implante, ainsi que les citoyens des communes limitrophes. Seule la part détenue par le ou les citoyens dans la société de projet prend le statut de participation citoyenne.
- 3. Il faut entendre par participation communale, la participation entreprise par une ou plusieurs communes directement ou à travers des structures pures ou mixtes dont le contrôle est exercé par des autorités publiques wallonnes locales et régionales. Seule la part détenue par la ou les communes dans cette structure prend le statut de participation communale.
- 4. Le processus d’ouverture à participation est expliqué dans une « charte d’engagement volontaire » relative à la participation citoyenne et communale dans les projets éoliens.»
A ce titre, on souligne que le décret du 26 avril 2024 modifiant le décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, entré en vigueur le 1er avril 2024, rend obligatoire la participation des communes et citoyens dans les projets éoliens, en vertu de son article 83. Cependant, il est à noter que l’arrêté d’exécution de cette disposition n’a pas encore été adopté par le Gouvernement wallon.
L’on relève également qu’un projet prévoyant une participation publique sera préféré par l’autorité, dans le cas où deux projets à l’instruction présentant un productible comparable se révèleraient incompatibles.
Pour conclure, il ressort de cette nouvelle règlementation que la Région wallonne a voulu se doter d’un nouvel instrument ambitieux pour lui permettre d’atteindre ses objectifs tant en termes de neutralité carbone (enjeux climatiques) que d’indépendance énergétique (enjeux stratégiques) fixés au niveau européen.
Finalement, les modifications apportées par le nouveau Cadre et étayées dans le présent article permettent de se rendre compte que les règles en matière d’implantation d’éoliennes ont été légèrement assouplies sur certains points, tout en conservant des normes strictes au regard de la préservation du cadre de vie des citoyens et tout en promouvant l’intégration sociale au travers de la participation du public.
Par Jennifer Guyot
Avocate chez Avens Brussels
[1] « Cadre de référence pour l’implantation d’éoliennes en Région wallonne », https://energie.wallonie.be/fr/cadre-de-reference-pour-l-implantation-d-eoliennes-en-region-wallonne.html?IDD=11176&IDC=6170, consulté le 20 janvier 2025 ; « Le nouveau Cadre de référence éolien entre en vigueur ce 26 avril 2024 », https://www.uvcw.be/energie/actus/art-8845, consulté le 20 janvier 2025.
[2] Notamment Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique ; Règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelable ; Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023.
[3] Le repowering d’un parc éolien est une pratique consistant à remplacer tout ou partie de l’infrastructure pour augmenter l’énergie produite par mat.
[4] T. Hazard et B. Pittie, « Un nouveau Cadre de référence éolien pour la Région wallonne », https://xirius.be/nieuws/un-nouveau-cadre-de-reference-eolien-pour-la-region-wallonne/ , consulté le 21 janvier 2025.
[5] « Nouveau cadre de référence pour le développement des éoliennes en Région wallonne du 24 janvier 2024 – entrée en vigueur le 25 avril 2024 », https://www.hv-a.be/nouveau-cadre-de-reference-pour-le-developpement-des-eoliennes-en-region-wallonne-du-24-janvier-2024-entree-en-vigueur-le-25-avril-2024/, consulté le 20 janvier 2025.
[6] T. Hazard et B. Pittie, op. cit.